« Il faut qu’elle change d’avis !»... « Elle est si jeune ! » … « Ah si seulement on pouvait faire quelque chose... » Mes parents, ils sont à fond sur elle. Ils passent leur soirée à parler de cette gamine qui souhaite laisser la vie lui donner la mort. Moi, je m’en fous de cette fille, je ne la connais que de vue, puis je ne suis pas hyper à l’aise pour aider les gens à faire ce qu’ils ne veulent pas. Alors quand mes parents m’ont demandé de la faire changer d’avis, c’était comme si j’étais prise dans un filet. D’un côté il y a mes parents qui reportent leur attention sur moi seulement grâce au cas de cette fille, puis de l’autre y a la Naëla blasée et fatigué de vivre. Je ne suis pas mourante, sinon peut-être que je me la jouerais Luna... Ouais c’est bien son prénom. Luna, c’est doux, c’est beau. Elle est blonde et pâle, comme on s’y attend avec un tel prénom.
Elle est belle, agréable à regarder sans en rajouter. Elle est même plus jolie que moi quand je me maquille pas, quand mes cheveux sont plus décorés. Quand je ne suis plus pleine de couleur. Elle n’a rien à faire, elle est malade, mourante et puis pourtant elle est belle. Ce n'est pas hyper juste. Alors aujourd’hui alors que la lune dort encore je me faufile dans sa chambre, je n’en ai pas le droit, je le sais, mais qui osera me dire de partir si ce n’est elle ? Et puis je pense pas qu’elle me le demandera et au pire je l’écouterais pas.J’ai 22 ans, je pense comme une gamine, mais en vrai je n’en suis plus une. Moi je suis ici pour apporter un peu de couleur, faire beau dans le décor, un meuble parmi les meubles. Une vivante, parmi les mourants. L’ironie dans cette vie, c’est que je préférerais parfois être Luna. Belle et très éphémère. Plutôt que retouché et moins éphémère. Je suis fausse, de la tête aux pieds, en passant par le cerveau et le sourire. Je suis fausse comme ce n'est pas permis, comme la justice dans le monde et l’argent sous les arcs-en-ciel. D’ailleurs les arcs-en-ciel ce n’est qu’un effet de lumière, un truc qu’on ne peut pas toucher, seulement regarder. La lune est presque intouchable, mais si belle à regarder.
Jalouse, je suis jalouse de cette nana-là. Je m’assois sur son lit puis-je la regarde se réveiller en poussant la porte avec mon pied. Elle m'a peut-être déjà vu traîner dans les couloirs en désespoir d’attention, à chercher à choper le premier truc qui se donne. Seulement, jamais rien ne m’arrive, je suis vivante de l’extérieur, je suis énergique et peut-être trop sociale, je suis presque heureuse du moins c’est ce que peuvent penser tous les gens du monde. Je ne suis pas magnifique, mais je suis plein d’artifice, de personnalité. Y en a qui disent que c’est ça la beauté.
- Salut Mam’zelle. Je suis là en mission.
Je lui fais un clin d’œil et je mime le geste « oui chef ». Puis je reste assise sur la fin de son lit. Elle sait pourquoi je suis là, du moins sûrement, puis en vrai non. Elle ne sait pas la vraie raison. Puisque en réalité, je profite seulement égoïstement du choix d’une jolie nana pour que mes parents me regardent, ne serait-ce que deux minutes, trente secondes. Qu’importe.
- Tu sais, t’es jolie. Je pense que tu fais tabac auprès des gens ici. Nan ?
Tabac, comme une cigarette. Elle aide sûrement les autres à se consumer plus vite, plus fort, avec des sensations que la mort seule ne donne pas. En vrai, non, c’est méchant, je suis méchante. Elle ne doit sûrement pas être une cigarette ou si parce qu’elle se consume elle-même. Doucement, à petit feu, une taffe par une taffe.Qu’est qui pourrait la faire changer d’avis ? Un jeu ? Un défi ? Une passion ? Une envie ? Comment pourrait-elle ne pas vouloir céder au calme que lui apporterait cette fin ? Espère-t-elle assister à la déchéance . À son propre enterrement ? Moi, j’aimerais bien mourir juste une fois. Juste pour savoir s'ils étaient plus de trois. Je penche la tête, je sais même pas trop comment lui dire que si elle meurt, c’est juste la fin, y a plus d’histoires, plus rien. C’est un livre qui ne se termine pas, c’est un livre coupé en pleine phrase et c’est hyper frustrant les livres comme ça. Parce que tu en imagines la suite, mais tu ne peux jamais savoir comment ça se serait passé. Ce n'est même pas triste, c’est frustrant, chiant.
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